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L'espace Libre
02:25
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Et l’on dira que faire entrer dans un esprit une vallée remplie d’ossements relève de l’impossible. Que la mémoire n’est rien. Pas plus durable qu’un dessin sur Télécran. Déjà une histoire d’écran.
On est tous devenus des ossements desséchés. Au mieux de la chair et de la peau par-dessus. Mais il n’y a pas d’esprit là-dedans. Juste des molécules stupéfiantes qui soufflent sur des morts. Pour qu’ils revivent. Mais rien. Ils ne se relèvent pas. Au mieux ils crèvent sur le trottoir. Ensevelis par la neige.
Tous des villes en ruines. Les yeux rivés sur des applis. Pareilles aux troupeaux consacrés puis sacrifiés.
C’est donner au monde frelaté la substance limpide de son être. Mais ils s’en branlent. Tour à tour simples géométries numériques, immenses addicts. Morts ou désaffectés. Coquilles vides.
Le corps humain projeté dans les systèmes mathématiques.
Ce qu’on imagine encore est hébergé dans les clouds. Ces trucs artificiels. On ne choisit plus son habitacle. Des « corps mouvants et tristement volontaires de mollusque. »
Tellement fragiles. Mais on oublie ça en se mêlant, comme de l’argile, à des pixels et des magic pills. Cette alliance inhumaine. Tous ces royaumes-là prétendent se substituer à la vie. Mais sans le secours d’aucune main.
On brise le fer, l’airain, l’argent et l’or. On s’offre en sacrifice et on crève bien avant l’âge.
Voici l’histoire de Belschatsar. Voici l’histoire d’une génération. Ou plutôt non. Pas son histoire. Son temps suspendu.
Son arrogance ressemble à des ailes arrachées. Il est cloué au sol. Debout sur ses pieds. Ses pieds dans des baskets Nike. Le modèle Air Max de 1993. Son corps est musclé, mais anéanti en même temps. Livré au feu de l’impuissance. Et de ses déplacements incessants.
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2. |
La Porte
03:42
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« Mais je sens bien qu’en moi quelque chose est fini ».
D’une illusion qui aurait « repliée son aile » j’en serais revenu plus triste.
Mais je n’en serais pas mort.
Non…Juste quelque chose de suffisamment atteint pour céder à l’affreux désespoir de cet instant.
De ces mots pillés, sans aucun regret. Comme pour oublier les larmes amères. La douleur aussi. Elle, elle est devenue permanente. « Du matin jusqu’au soir et du soir au matin ». On ne peut pas mieux dire. Mais je peux m’y faire. J’ai pris l’habitude de flotter comme ça entre deux mondes. De composer avec ces pensées funestes.
Ces heures odieuses à souffrir. Elles m’ont trop souvent détourné de la lumière. J’y ai laissé la souplesse et la joie. J’y ai gagné « la vitesse en route vers une cible ».
Nous sommes en des temps qui virent parfois à l’infâme.
J’arrive à ce moment où l’insouciance n’est plus qu’un instant. Jamais plus. C’est arrivé presque d’un coup. Sans crier gare. Un matin. J’ai su. J’ai su que c’était terminé. Jamais plus je ne connaîtrais de répit.
Tout est devenu soudain tragique. J’ai su que je n’en sortirai plus. Sauf provisoirement. Par intermittence. Des moments plus ou moins longs.
Il y avait bien eu des alertes. Des déflagrations violentes, des prises de conscience qui s’éteignaient presque aussitôt. Le ciel redevenait tout bleu. Pourquoi ce matin alors ? Pourquoi ce fait précis, ce matin-là, a tout changé ? Radicalement. Définitivement.
J’avais connu la chair expiatoire, vu la mort de près et plusieurs fois, fendu l’armure de ce corps, ce corps rompu aux toxines puis aux sevrages. Pourtant j’étais intact. Une question de nerfs et de tempérament. Ou d’inconscience.
Toutes ces années, je n’ai pas senti le sol se dérober sous mes pieds. Je n’ai pas pris la mesure de sa fragilité croissante. Ce matin-là, le plancher s’est effondré. Et je suis tombé. Disons que la conscience m’a rattrapé. Depuis le tragique ne m’a plus quitté. Pas une seconde. Je ne connais plus la stabilité, la tranquillité intérieure.
« Le paisible sommeil dans la nuit transparente » a disparu.
L’obscène trahison m’a sauté à la figure. La tristesse m’a envahi. Mon cœur pénitent a sombré pour de bon. Je le sais. Il m’emportera. Alors que j’avais survécu à un OAP. A une insuffisance cardiaque sévère. Il ne m’avait finalement pas lâché. Mais depuis ce matin, je sais qu’il se tenait seulement en embuscade. C’est mon corps en entier qu’il veut. Et qu’il aura.
Autant ne plus avoir de souvenirs. Le privilège de trop savoir. De savoir qu’ils ne veulent plus être libres. Et d’en mourir peut-être. Perdu pour perdu. Mais digne.
Je regarde alors la mort déguisée, son masque grossier, sa faiblesse coupable.
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3. |
Les Méandres
03:33
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Plongé dans les
Reflets profonds
De nos vies
Ces forces vives
Que l’on jette
Au fond des douleurs
Passées
Plongé comme ça
Dans ce trouble
Quand on s’approche
Du vide
Quand on s’écarte
Des paysages urbains
Ce blues comme
Un souterrain
Alors que l’on quitte
Cette avenue éclairée
Toutes ces faiblesses
Que l’on jette d’un
Pont traversé
Au seuil d’une nuit
Sans rêve
Simplement animée
Par des pensées
Lentes et bleues
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4. |
Seuil
04:44
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Il est temps
De se mettre
À voir
Entendre
Dans le silence
De cette ville
Ébranlée
Que l’on embrasse
Chaque jour
Entendre
Son règne
Éternel
Sous les voûtes
Épidémiques
J’en vois une
Impossible
À atteindre
Plus aucun
Bruit dicible
On devine à contrecœur
Ce qui est révolu
Ce peu de lumière
Dans la cicatrice
Que l’on emprunte
Où l’on distingue
Des silhouettes
Mal protégées
Visages tombés
À terre
Autant de rivages
Que l’on enjambe
À force de minutes
Trop sombres
Où l’oubli se règle
Sur les pas
Comme on s’évade
De l’adresse présente
Cette peur trop visible
Tu vois ce corps
Comme un jardin
Abandonné
Les changements
Pourtant brutaux
Comme on mesure
La tonalité de la mort
Là où règne le silence
Que l’on échange
Contre l’écriture
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Yan Kouton France
Yan Kouton est un auteur de romans, de nouvelles, de poésies, et parolier. Il anime le site de création littéraire "Les
Cosaques des Frontières". Il est également chroniqueur musical.
Olivier Triboulois est un musicien installé près d'Orléans. Chanteur guitariste, clavier du groupe "A l'Abri de la Tempête. Guitariste depuis ses 14 ans, marqué par l'empreinte de Bashung, Dominique A Christophe.
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